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LA FEMME.

Y avait-il quelques autres personnes implorant le Dieu ?

KARIÔN.

Tout d’abord Néoklidès, qui, bien qu’aveugle, surpasse en adresse les voleurs clairvoyants ; puis un grand nombre d’autres, atteints de toutes sortes de maladies. Après qu’il eut éteint les lampes, le ministre du Dieu nous enjoint de dormir, nous disant que, si l’on entend du bruit, nous ayons à nous taire ; nous nous couchons tous tranquillement. Moi, je ne pouvais fermer l’œil : certain plat de bouillie, placé à peu de distance de la tête d’une vieille, m’entraînait fatalement à me glisser par là. Portant en haut mes regards, j’aperçois le prêtre qui enlève les gâteaux et les figues sèches de dessus la table sainte ; après quoi, il fait le tour des autels, l’un après l’autre, afin de voir si quelque galette y est restée, et il les met ensuite pieusement dans une sacoche. Alors moi, convaincu de la grande sainteté de l’action, je saute sur le plat de bouillie.

LA FEMME.

Malheureux homme ! Tu n’as pas eu peur du Dieu ?

KARIÔN.

Non, de par les dieux ! Je craignais qu’il n’arrivât avant moi à la bouillie, ayant ses bandelettes : son prêtre m’en avait donné l’exemple. La vieille, entendant le bruit que je faisais, étend la main : moi je siffle, je la saisis et je la mords, comme si j’étais un serpent sacré. Aussitôt, elle retire la main et s’enveloppe, sans bouger, dans ses couvertures, lâchant, par peur, un vent plus puant que celui