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Tout à l’heure, pendant que je faisais entrevoir la possibilité d’une pareille bataille engagée entre le salariat et le patronat, des camarades disaient : « Ce serait la Révolution ! Eh bien ! oui, je le dis aussi, je le crois fermement, la grève générale ce serait la Révolution… » (Vifs applaudissements) Mais la Révolution sous une forme qui donne aux travailleurs plus de garanties que celles du passé en ce qu’elle les expose moins aux surprises, toujours possibles, des combinaisons exclusivement politiques.

Victorieux par la grève générale, le prolétariat garde les positions conquises qu’une organisation préalable, conforme, adéquate à l’évolution même, née d’elle, lui permet d’administrer lui-même sans avoir besoin, comme jadis, de confier à d’autres le soin, toujours délicat, de tirer parti de la victoire.

Ce n’est plus une révolution autour de formules décevantes, il ne s’agit plus non seulement pour le peuple de conquérir la faculté puérile et chimérique d’inscrire au fronton des monuments publics ses droits à la liberté, à l’égalité, à la fraternité. C’est une révolution dans les choses qui permet, enfin, à l’homme de passer du domaine des mots dans celui des réalités. (Applaudissements.)

L’opposition passionnée faite par les hommes les plus éminents du parti ouvrier français à la conception de la Grève générale est d’autant moins compréhensible que les marxistes, ont toujours attribué à l’évolution économique une influence décisive sur la modification des milieux sociaux. Marx n’a-t-il pas surtout fondé l’espoir de la prochaine révolution sur la situation antagonique qui résulte du caractère privé du mode d’appropriation opposé au caractère social du mode de production ?

Imbus de ces principes, comment des hommes comme Guesde et Lafargue ont-ils pu juger utopique et décevante l’idée d’une Grève générale, dont la conséquence serait la main-mise sur les instruments de production par ceux-là