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Elle est utopique, dites-vous ? Mais si vous persistez à la juger telle, il faudra que vous veniez à déclarer ici que vous considérez aussi, comme vouée d’avance à l’insuccès toute tentative pour déterminer un courant profond de solidarité ouvrière ; il faudra que vous disiez que le mouvement syndical est condamné à n’atteindre jamais son complet développement, que vous tenez les travailleurs pour trop inconscients pour former à un moment donné une Confédération générale. (Vifs applaudissements.) Eh bien, moi, j’ai plus de confiance en eux, et je reste convaincu que, la propagande aidant, les syndicats se multipliant, prenant chaque jour notion plus nette de leurs intérêts et de leurs devoirs, les travailleurs réaliseront l’union, comme nous sortirons nous-mêmes unifiés de ce Congrès. (Vifs applaudissement). Oui, un jour, tous les travailleurs étroitement groupés sur le terrain syndical opposeront une force irrésistible à ce patronat qui n’a pas attendu, lui, qu’ils prissent conscience de leurs intérêts pour s’unifier contre le prolétariat. (Vifs applaudissements et acclamations.)

Je n’insiste pas sur ce point spécial de la question. J’arrive au second point de vue, celui qui fera, sans doute, l’objet principal de la discussion, sur lequel on peut faire des réserves, élever des objections : le point de vue politique et révolutionnaire. La nouvelle tactique, en effet, n’a pas pour but unique, exclusif, de servir les intérêts purement économiques. Elle peut être, le cas échéant, employée, avec autant d’efficacité, à la défense des libertés politiques que le prolétariat considère, à juste titre, comme la condition expresse, essentielle, de son émancipation définitive. C’est, du reste, dans cet esprit que, pour la première fois, au Congrès corporatif de Marseille, fut votée en 1892 l’organisation de la grève générale.