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Je ne suis pas partisan de la grève, j’entends de la grève partielle. Je la juge néfaste, et même quand elle donne des résultats, je considère qu’ils ne compensent jamais les sacrifices consentis. La grève partielle est presque toujours vouée à l’impuissance, parce que les ouvriers engagés dans un conflit ne se trouvent jamais, en réalité, aux prises avec des patrons isolés. Les travailleurs en grève sont bien réellement isolés, eux, même quand ils ont l’aide morale et matérielle du prolétariat. Qu’est cet appui à côté de celui que trouvent les patrons auprès des pouvoirs publics ? Le patron n’est jamais seul ; il a toujours avec lui, pour lui, tous les moyens de pression dont dispose sa classe, l’ensemble des forces sociales organisées : magistrature, fonctionnaires, soldats, gendarmes, policiers. (Vifs applaudissements.)

Une Voix. — Et le Ministère ! Et Millerand !

Le citoyen Briand. — Vous avez pu faire, sur la première question, les personnalités qui vous tenaient au cœur. Vous avez eu largement le temps d’écouter vos sentiments particuliers. Je vous en prie, sur une question spéciale comme celle-ci, faites trêve à votre animosité ; ne mêlez pas la personne d’un camarade à une discussion dans laquelle elle n’a plus rien à faire. (Vifs applaudissements.)

Citoyens, étant donnée cette situation : d’une part, le patronat toujours engagé tout entier dans chaque grève, et cela d’une manière effective ; d’autre part, le prolétariat, toujours isolé dans les conflits économiques, qu’est-il arrivé ? Après un certain nombre d’expériences, il est arrivé que les travailleurs conscients se sont rendu compte de l’inutilité, tout au moins de l’insuffisance de leurs efforts. Ils en sont venus très vite à se demander s’il ne serait pas possible de tirer un meilleur parti de l’organisation syndicale.