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Thérèse

après quelqu’autre leçons de cette eſpèce, le bon Pere me congédia en me laiſſant dans une étrange perplexité.

Je me retirai dans ma chambre, l’imagination frappée de ce que je venois d’entendre, mais bien plus affectée de l’idée de l’aimable ſerpent, que de celle des remontrances & des menaces qui m’avoient été faites à ſon ſujet. Néanmoins j’exécutai de bonne foi ce que j’avois promis ; je réſiſtai aux efforts de mon tempérament, & je devins un exemple de vertu.

Que de combats, mon cher Comte, il m’a fallu rendre juſqu’à l’âge de vingt-cinq ans ! Tems auquel ma mere me retira de ce maudit Couvent. J’en avois à peine ſeize lorſque je tombai dans un état de langueur qui étoit le fruit de mes méditations ; elles m’avoient fait appercevoir ſenſiblement deux paſſions dans moi, qu’il m’étoit impoſſible de concilier. D’un côté j’aimois Dieu de bonne foi ; je déſirois de tout mon cœur de le ſervir de la maniere dont on m’aſſuroit qu’il vouloit être ſervi. D’autre