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Philosophe.

„ le ſerpent ma fille qui tenta Eve, notre mere commune. Que vos regards & vos attouchemens ne ſoient jamais ſouillés par cette vilaine bête, elle vous piqueroit & vous dévoreroit infailliblement tôt ou tard. ” Quoi ! ſeroit-il bien poſſible, mon Pere, repris-je toute émue, que ce ſoit là un ſerpent & qu’il ſoit auſſi dangereux que vous le dites ? hélas ! il m’a paru ſi doux ! il n’a mordu aucune de mes compagnes ; je vous aſſure qu’il n’avoit qu’une trés-petite bouche & point de dents, je l’ai bien vû… „ Allons, mon enfant, dit mon Confeſſeur en m’interronpant ; croyez ce que je vous dis ; les ſerpens que vous avez eu la témérité de toucher étoient encore trop jeunes, trop petits, pour opérer les maux dont ils ſont capables ; mais ils s’allongeront, ils groſſiront, ils s’élanceront contre vous : c’eſt alors que vous devez redouter l’effet du venin qu’ils ont coûtume de darder avec une ſorte de fureur, & qui empoiſonneroit votre corps & votre ame. ” Enfin