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Philosophe.

re ; je leur répondrois dis-je, que tout ce que j’ai écrit, eſt fondé ſur l’expérience, & ſur le raiſonnement détaché de tout préjugé.

Oui, ignorans ! la nature eſt une chimere. Tout eſt l’ouvrage de Dieu. C’eſt de lui que nous tenons les beſoins de manger, de boire, & de jouir des plaiſirs. Pourquoi donc rougir en rempliſſant ſes deſſeins ? Pourquoi craindre de contribuer au bonheur des humains, en leur apprêtant des ragoûts variés, propres à contenter avec ſenſualité ces divers appétits. Pourrai-je appréhender de déplaire à Dieu ni aux hommes, en annonçant des vérités qui ne peuvent qu’éclairer ſans nuire ? Je vous le répete donc, Cenſeurs atrabilaires, nous ne penſons pas comme nous voulons. L’ame n’a de volonté, n’eſt déterminée que par les ſenſations, que par la matiere. La raiſon nous éclaire ; mais elle ne nous détermine point. L’amour propre (le plaiſir à eſpérer, ou le déplaiſir à éviter) ſont le mobile de toutes nos déterminaiſons. Le