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Thérèse

niere dans des cas égaux. Or c’eſt ce qui n’arrive point. Donc elles ſont déterminées par quelqu’autre choſe, & ce quelqu’autre choſe ne peut-être que la matiere, puiſque les plus crédules ne connoiſſent que l’eſprit & la matiere.

Mais demandons à ces hommes crédules ce que c’eſt que l’eſprit ? Peut-il exiſter & n’être dans aucun lieu ? S’il eſt dans un lieu, il doit occuper une place : s’il occupe une place, il eſt étendu : s’il eſt étendu, il a des parties ; & s’il a des parties, il eſt matiere. Donc l’eſprit eſt une chimere, ou il fait partie de la matiere.

De ces raiſonnemens, diſiez-vous, on peut conclure avec certitude, premierement que nous ne penſons de telle ou telle maniere, que par raport à l’organiſation de nos corps, jointe aux idées que nous recevons journellement par le tact, l’oüie, la vûë, l’odorat & le goût : ſecondement que le bonheur ou le malheur de notre vie dépendent de cette modification de la matiere & de ces idées ; qu’ainſi les génies, les