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les preuves de son estime et de sa considération pour lui. Mais le marquis avait aussi d’excellentes raisons à donner, celle sur-tout d’aller passer sa vieillesse sous un beau ciel, et près d’un frère qui l’aimait.

Il avait encore d’autres motifs de mécontentement qu’il était pressé de faire sentir au roi. À peine fut-il arrivé à Dijon, qu’il lui écrivit une lettre hardie, et telle qu’aucun de ceux qui avaient eu des désagrémens avec Frédéric, n’aurait osé lui adresser. Pour s’excuser, il disait « Ce n’est pas au roi que j’écris, disait d’Argens mais au philosophe au nom de la philosophie. » Distinction dont le monarque lui-même avait donné l’exemple dans les soupers de Sans-Souci, où l’on parlait en l’absence du roi, quoiqu’à table avec lui. Enfin, après des reproches assez vifs et piquans, il finit par la fable du Rat de ville et du Rat des champs.

Malgré cette apparence de ressentiment, le marquis d’Argens résolut de retourner près de Frédéric, au terme convenu ; mais il lui en coûtait beaucoup pour quitter Aix et retourner à Berlin ; c’était exposer ses derniers jours à de nouveaux chagrins et en abréger de beaucoup la durée ; les fatigues et les tourmens que cette situation lui causa, produisirent le même