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De retour d’un voyage d’Espagne, où il laissa Sylvie, sa maîtresse, il revint à Aix se raccommoda avec sa famille, mais bientôt quitta la France et partit pour Constantinople avec M.  d’Andreselle, notre ambassadeur a la Porte, ainsi qu’il le rapporte dans ses Mémoires. On jugera de son caractère et de sa conduite dans cette ville, par cette anecdote que nous a conservée M.  Thiébault, dans ses Souvenirs.

« Arrivé à Constantinople, dit cet auteur il forma le dessein de voir les cérémonies usitées dans les mosquées[1] : rien ne put le détourner de cette entreprise périlleuse, dans laquelle, s’il eût été découvert ou trahi, il n’aurait pu échapper au supplice qu’en prenant le turban, c’est-à-dire qu’en se faisant musulman. Il s’adressa au Turc qui avait les clefs de la mosquée de Sainte-Sophie, et le gagna à force d’argent. Il fut convenu qu’à la prochaine grand’fête, l’infidèle introduirait le chrétien pendant la nuit, et en grand secret, et qu’il le cacherait derrière un tableau, placé depuis long-temps au fond de la tribune qui

  1. Les mosquées sont les temples des mahométans ; ils y remplissent certains devoirs que leur religion prescrit ; il y font les cérémonies de leur culte.