Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/73

Cette page a été validée par deux contributeurs.

noir, suffisait pour le remplir d’inquiétude et d’effroi. Dès qu’il était sorti du lit, il en fermait avec soin les rideaux, et malheur à qui les aurait entr’ouverts par hasard ou autrement, c’était un présage des plus effrayans.

Il n’était pas moins alarmé d’une apparence de rhume ou de fluxion ; toujours malade de la peur de le devenir, et craignant la mort au point de mourir de peur. Tous ceux qui ont parlé de lui en racontent les mêmes faiblesses et attestent son hypocondrie. Rien n’était aisé comme de lui faire accroire qu’il était malade, et si on lui disait qu’on le trouvait pâle, il n’en fallait pas davantage pour qu’il s’enfermât sur-le-champ et se mît au lit. Il ne sortait presque jamais que pour aller chez le roi ; quand il était dans sa chambre, deux ou trois robes de chambre, mises l’une sur l’autre, le garantissaient du froid ; un bonnet de coton lui descendait sur les oreilles et était surmonté d’un autre bonnet de laine qui achevait l’emballage de sa tête. Quelques nuages, un léger brouillard, une petite pluie, un vent un peu froid survenait-il ? c’était assez pour l’attrister, pour le chagriner, pour le forcer à rester chez lui, et même résister aux invitations du roi : on l’a vu rester ainsi claquemuré