Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Berlin, ou que du moins les compagnies, lasses d’attendre, se seraient dispersées ; mais il fut entouré tout-à-coup d’une si grande foule de peuple, que son carrosse pouvait à peine avancer. Les flambeaux, le tumulte, la multitude de vers dont on l’accablait de toutes parts, la crainte que quelqu’un ne fût blessé dans la foule ; tout cela le mit de mauvaise humeur ; il se glissa dans la ville le plus vite qu’il put, et se rendit au château par un détour.

Quelques jours après, continue M. de Nicolaï, je vis le marquis d’Argens ; il me raconta en détail tout ce qui s’était passé entre le roi et lui lorsqu’il lui avait parlé tête à tête, et il ajouta avec sa naïveté ordinaire : « Je ne le lui ai pas mâché, je lui ai dit tout net qu’il aurait dû faire ce que je lui avais écrit : il voulait tourner la chose en plaisanterie ; mais je vous l’ai tancé d’importance »

Un des traits les plus singuliers du caractère de d’Argens, était le mélange de superstition et d’incrédulité que l’on remarquait en lui, et qu’il faisait paraître dans mille circonstances : il croyait fermement aux pressentimens, aux présages. Une salière renversée, la rencontre imprévue d’une vieille femme, d’un troupeau de cochons, d’un homme vêtu de