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Demandez à la voir, il la lira. Trouvez-la bien faite, les vers beaux ; louez-en le style, la finesse des expressions ; sur-tout ne faites pas semblant de vous apercevoir que l’on vous ait eu en vue, et vous verrez qui sera le plus attrapé. Très-bien, dit le marquis. Aussitôt il déchire sa lettre, il s’habille, va chez le roi, et joue son rôle à merveille. Tout réussit à souhait : Frédéric, fut déconcerté. Le lendemain il dit à Catt : « Ce diable de marquis, il m’a joué le tour le plus perfide ! Vous savez ma pièce de vers sur la paresse : eh bien ! je la lui lis ; le bourreau, au lieu de sentir le trait, au lieu de se fâcher ; m’a applaudi d’un bout à l’autre de l’air le plus vrai et le plus sincère, si bien que j’en suis pour ma peine. »

Cette scène singulière épargna pour quelque temps des plaisanteries au marquis ; mais elles recommencèrent à la première occasion que le roi put retrouver.

D’Argens passait beaucoup de temps à la lecture des livres anciens, et sur-tout des Saints Pères, dont il tirait une foule de citations et de traits qu’il appliquait aux matières qu’il traitait dans ses écrits ou dans la conversation.

M.  de Nicolaï raconte à ce sujet une anecdote qui mérite de trouver place ici.