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au lit sans se déshabiller et sans ôter sa belle robe de chambre à fleurs d’or. À l’instant la procession entra lentement et gravement, et vint se ranger en cercle devant le lit. Le roi qui fermait la marche, se place au milieu de ce cercle, et annonce au marquis que l’église, toujours tendre mère et pleine de sollicitude pour ses enfans, lui envoie les secours les plus propres à le fortifier dans l’état critique où il se trouve ; il lui fait une courte exhortation pour l’engager à se résigner, et ensuite soulevant la couverture du lit, il lui verse une bouteille d’huile d’olive sur la belle robe de chambre, en disant à son frère mourant, que cet emblême de la grace lui donnera immanquablement, pour peu qu’il ait le don de la foi, le courage nécessaire pour passer dignement de cette vie dans l’autre ; après quoi la procession se retira du même pas, et aussi sérieusement qu’elle était venue. »

Il est aisé de comprendre combien cette scène fit rire à la cour, et aux dépens du marquis ; mais ce qui l’affligea le plus, ce fut la perte de la robe de chambre qui, par cette farce, se trouva tachée à ne pouvoir plus être portée. Le marquis ne se serait point attendu à une mystification aussi complète ; mais Fré-