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dangereuse que celle dont il était attaqué, et désirant qu’il mourût en bon chrétien, il avait ordonné aux prêtres catholiques de lui administrer le sacrement de l’extrême-onction, et qu’ils iraient ce soir même s’acquitter de ce pieux devoir. Le marquis ne savait que penser de cette annonce ; il croyait bien le roi capable de donner un pareil ordre aux prêtres catholiques, mais il doutait pourtant qu’il osât faire un tel scandale dans son palais. L’essentiel pour lui était de faire croire qu’il était réellement malade ; il s’empaqueta donc la tête.

Le roi s’affubla d’un surplis et d’une étole, fit mettre deux ou trois autres personnes en noir, et tous descendirent en procession, comme portant l’extrême-onction au marquis, logé au-dessous de l’appartement du roi. Celui qui marchait le premier avait une sonnette qui fut entendue dans les appartemens, dès l’instant qu’ils furent sur l’escalier. On ne douta plus que ce ne fût le sacrement des malades que l’on apportait. La Pierre, domestique du marquis, alla voir, et s’aperçut bientôt de ce que c’était. Pour ne pas être trouvé debout, et par conséquent passer pour menteur, le prétendu malade se hâta de se mettre