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désir d’avoir deux portraits de Frédéric, l’un pour l’impératrice et l’autre pour lui-même ; le roi se détermina à donner quelques séances à M. Vanloo, son peintre. Les séances furent courtes et nombreuses : le pauvre Vanloo s’en tira comme il put. Lorsque le portrait fut achevé, le peintre l’apporta au château pour le faire voir, et entra d’abord chez le marquis. On ne peut se figurer l’enthousiasme et la joie de ce vieux ami en voyant ce portrait ; il invitait tout le monde à l’admirer ; il le faisait placer sous tous les points de vue ; il fit monter La Pierre, son domestique, sur une table, pour le tenir à la hauteur de neuf ou dix pieds, sachant, disait-il, que ce serait ainsi qu’il serait placé à Vienne ; et toujours il le trouvait plus parfait et voulait que les autres en parlassent comme lui. Il me tourmenta ; dit M. Thiébault, qui y était présent, pour me faire avouer que la ressemblance en était frappante. Comme malheureusement je n’en avais pas jugé de même, je lui dis, qu’à la vérité, je voyais le roi tous les jours, mais que je ne le voyais qu’aux lumières, et qu’il savait bien que cela ne suffisait pas pour juger des ressemblances. Il ne me laissa que ce moyen d’éviter de blesser M. Vanloo, que j’estimais beaucoup, mais qui