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l’état, de payer des impôts, mais on n’en fait point sur la politesse, et tout ce qui n’a pas force de lois n’oblige en rien les Hollandais. Une espèce d’égalité, qu’il faut qu’il y ait dans les républiques, est en partie la cause de l’insolence du peuple. Un seigneur des états généraux, dont le carrosse rencontre en chemin le chariot d’un paysan, doit se ranger ainsi que le manant. Il faut que tous les deux aient la moitié de la peine. Ses valets se garderaient bien d’insulter le charretier, ou encore moins de le battre. Il est citoyen de la république, il ne reconnaît le magistrat que lorsqu’il est dans ses fonctions. Ailleurs, chacun est égal.

De cette liberté naît l’amour de la patrie. Chaque Hollandais regarde la république comme uné bonne mère dont il doit conserver les privilèges. Ces sentimens sont si parfaitement gravés dans les cœurs, que rien ne peut les en effacer. La différence de religion, partout ailleurs si nuisible, ne cause pas le moindre trouble. Celle de l’état est la protestante ; mais, loin de tyranniser les autres, elle assure leur repos.

De ce ramas de religions s’élève une foule de grands hommes et d’illustres écrivains. La liberté qu’ils ont de donner l’essor à leur génie