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de Bayle, qu’il devait lui-même aider à la chose ; et, après avoir rêvé toute une nuit, il se figura avoir trouvé une manière de ponton pour faire débarquer en France autant de soldats qu’on voudrait, en dépit des milices qui seraient sur les côtes.

Cependant ces écrits tout ridicules qu’ils sont aux yeux d’un philosophe, ont persuadé plus de réformés que les ouvrages du ministre Claude, pleins de force et d’érudition. Le peuple veut être leurré de chimères. Dès le commencement de la séparation des protestans, on l’amusait de pareilles sottises. J’ai lu à Worms un livre de Luther ; le pape y est peint à la tête avec ses habits pontificaux ; il a de grandes oreilles d’âne et une troupe de diables auprès de lui qui lui mettent la tiare sur la tête. Le peuple n’a pas été le seul sur qui de pareilles folies aient fait quelque impression ; il y a eu des gens de lettres à qui elles ont paru une suite de la révélation de Dieu. Voici les termes dont se sert Sleidan[1] : Luther, fit faire une peinture pour rire, ce semble, toutefois prédisante ce qui devait

  1. Histoire de l’état de la Religion et République sous Charles-Quint, par Jean Sleidan, liv. 16, p. 264.