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père l’ayant appris, crut que l’absence le guérirait : il l’envoya en Espagne auprès d’un commerçant de ses amis. L’adieu de ces amans fut tendre ; ils versèrent des pleurs, ils se plaignirent du sort, ils firent mille sermens de ne s’oublier jamais ; mais enfin il fallut céder, Antonio partit pour Cadix.

Angelina, éloignée de lui, se consola dans l’espérance de le revoir. Quel fut son désespoir, lorsqu’elle apprit que le vaisseau sur lequel il était, avait été pris par un corsaire d’Alger ! La nouvelle de l’esclavage de son amant pensa lui coûter la vie ; les pleurs étaient la seule consolation qu’elle eût dans son malheur.

Au milieu de ces inquiétudes, elle se vit réduite à de nouveaux embarras son père, ennuyé d’un métier qui ne lui donnait pas de quoi vivre, quitta la sculpture ; et s’étant aperçu que sa fille avait une fort belle voix, il la fit entrer à l’opéra de Naples.

Dans peu de temps elle fit de si grands progrès dans la musique et dans le goùt du chant, qu’elle gagna bientôt des appointemens considérables. De Naples ayant été à l’opéra de Gènes, elle y apprit une nouvelle qui redoubla tous ses malheurs.