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ils n’attendirent pas long-temps à être éclaircis. Il était deux heures après minuit ; et le duc qui, selon toutes les apparences, avait bu la moitié du bouillon qu’on avait porté à la Campoursi, n’ayant pas jugé qu’il eût assez rétabli ses forces pour travailler jusques au jour, sortit une demi-heure après. La Catalane le reconnut, Monvalon en rit, et de Jouques en resta pétrifié.

Comme son air embarrassé augmentait les plaisanteries qu’on lui faisait : Vous avez tort, dit-il, de croire que je sois sensible autant que vous vous le figurez à cette aventure ; la manière dont je la prendrai vous désabusera. Il tint parole. Le lendemain il fut le premier à en badiner, et vécut toujours avec sa maîtresse, comme s’il ne s’était passé rien du tout. Son système était qu’il fallait que chacun fît son métier, et qu’un homme qui aimait une fille de l’opéra devait savoir qu’elle ne faisait pas vœu de chasteté.

Deux jours après cette aventure, il en arriva une à peu près semblable à Monvalon. Il avait, à force d’y penser, trouvé le secret de voir sa maîtresse en particulier. L’endroit qu’il avait choisi n’était pas à la vérité bien charmant ; mais enfin l’amour lui en rendait l’odeur moins