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viole. Le joli minois de la Granier, c’était ainsi qu’on appelait sa fille, lui attirait un grand nombre d’écoliers. Parmi ces jeunes gens, il y en eut un qui sut mieux l’art de plaire que les autres ; il toucha le cœur de la jeune Granier. Le ciel ne l’avait pas douée d’un tempérament fort cruel ; elle aimait trop son amant pour le faire languir, il fut heureux. Son bonheur fut interrompu par le départ de sa maîtresse dont le père vint à mourir. Elle partit avec sa mère et une de ses sœurs pour aller à l’opéra de Marseille. L’éloignement eut bientôt effacé le souvenir de son amant ; mais son cœur était trop tendre pour rester sans occupation. Elle prit du goût pour un acteur appelé Galaudet, jeune homme d’une jolie figure. Il ne fut pas longtemps à s’apercevoir de sa bonne fortuue. Il aima tout autant qu’il était aimé. Plaisirs secrets, jouissance parfaite, tout lui fut prodigué. Mais comme c’est le sort de l’amour de s’éteindre lorsqu’il n’a plus rien à désirer la Granier s’aperçut que les feux de Galaudet devenoient moins violens ; elle se flatta de les ranimer par un peu de jalousie et voulut lui donner un rival. Elle choisit un nommé Campoursi qui, touché des agaceries de sa nou-