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signer le traité, conjointement avec l’abbé de Bernis, ce qui était sans exemple. Ce ministre Rouillé, il faut l’avouer, était le plus inepte secrétaire d’état que jamais roi de France ait eu, et le pédant le plus ignorant qui fût dans la robe ; il avait demandé un jour, si la Vétéravie était en Italie#1. Tant qu’il n’y eut point d’affaires épineuses à traiter, on le souffrit ; mais dès qu’on eut de grands objets, on sentit son insuffisance ; on le renvoya et l’abbé de Bernis eut sa place. Madame de Pompadour était véritablement premier ministre. Certains termes outrageans, lâchés contr’elle par Frédéric, qui n’épargnait ni les femmes ni les poètes, avaient blessé le cœur de la marquise, et ne contribuèrent pas peu à cette révolution dans les affaires, qui réunit en un moment la maison de France et d’Autriche, après plus de deux cents ans d’une haine réputée immortelle. La cour de France qui avait prétendu, en 1741 écraser l’Autriche, la soutint en 1756 ; et enfin l’on vit la France, la Russie,[1]

  1. La Vétéravie ou Wéterravie, nom d’une province d’Allemagne, située entre la Hesse, le Bas-Rhin, la Westphalie et la Franconie. Son nom lui vient de la rivière de Wetter qui y prend sa source, Francfort sur le Mein est en Vétéravie.