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des sculpteurs dût augmenter à proportion. Cependant trente ou quarante ans après ces grands hommes, à peine l’Italie en a-t-elle compté un ou deux par siècle. Elle a eu depuis cent ans le Guide et le Carlo Maratte dont les noms iront à la postérité. Le reste est aussi inconnu que le sont les derniers ouvrages de Rousseau[1], ou les tragédies

  1. C’est de Jean-Baptiste Rousseau, que l’on a appelé le Pindare Français, qu’il s’agit ici : cet homme célèbre naquit en 1671 ; son père était maître cordonnier à Paris. M.  de Bonrepeaux, ambassadeur de France en Danemarck, se l’attacha en 1680. Le maréchal de Tallard en fit son secrétaire, lorsqu’il passa à Londres. Ce fut dans cette ville qu’il vit l’aimable et généreux Saint-Evremond, un des hommes qui ont le mieux au l’art de vivre heureux et long-temps. Il accueillit le jeune Rousseau. Il revint en France et préféra l’étude et la société des Muses aux places lucratives qui lui furent offertes par MM.  Rouillé et Chamillart. On connaît la ténébreuse affaire de quelques couplets pleins de fiel et de grossièreté qui le força de quitter la France ; il trouva auprès du comte de Luc, notre ambassadeur en Suisse, des secours et de la consolation ; c’était le temps où les grands seigneurs aimaient et attiraient près d’eux les gens de lettres, sans éprouver de basse jalousie ou craindre une sotte rivalité. Rousseau ne fut pas moins chéri du prince Eugène, qui l’emmena à Vienne ; enfin ne pouvant rentrer en France, il se retira à Bruxelles, où il mourut en 1741.