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venir à Marseille. En y arrivant, nous fîmes la même manœuvre qu’à Lyon. Le comte de Vintimille me vit à la comédie il me parla plusieurs fois, et demanda permission à ma sœur de venir au logis : elle le lui accorda. Elle recevait tout le monde volontiers, et les amans qu’elle croyait ne pas être assez riches pour devoir aller jusqu’à moi, elle les gardait pour elle !

» Je voyais tous les jours Vintimille[1]. Je vins à l’aimer autant qu’il m’aimait. Je n’osais point lui dire l’état où j’étais, de peur de le rebuter. Cependant, ma sœur me proposa de voir un riche négociant : je lui dis que je mourrais plutôt que d’y consentir. Elle fit semblant de ne plus y penser.

» Deux ou trois jours après, étant allé me promener avec elle sur le bord de la mer, elle me pria de visiter une guinguette qu’on avait, bâtie sur le rivage, et qui paraissait fort jolie. Quelle fut ma surprise, en y entrant, d’y voir ce négociant dont elle m’avait parlé ! Je compris que j’étais trahie. Je trouvai la table mise avec une collation superbe ; je

  1. Nous avons déjà fait connaître plus haut ce jeune chevalier de Malte.