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mordis, je l’égratignai, et, quelque effort qu’il fît, il fut obligé de me laisser. Ma sœur, qui écoutait à la porte, l’ouvrit dans ce moment. C’est un démon, lui dit cet homme ; on n’en peut venir à bout. Vous êtes un benêt, lui dit-elle ; je m’en vais vous la tenir. Elle me prit dans ses bras. J’eus beau verser des pleurs, et me défendre, je ne fus plus la maîtresse de résister ; et ce malheureux, avec l’aide de ma sœur, vint à bout de ce qu’il voulait.

» Lorsqu’il m’eut quittée, je m’arrachai les cheveux ; je voulais me jeter par la fenêtre ; ma sœur eut beau vouloir m’appaiser, je fus deux jours à chercher le moyen de m’évader, résolue de tout entreprendre plutôt que de rester davantage avec elle. Elle s’en aperçut, et me promit que je ne reverrais plus cet homme.

» Elle ne m’aurait pas tenu parole, si elle n’eût été obligée de sortir de Lyon, et de se sauver trois jours après à Marseille. On avait eu des indices à Angoulême que j’étais à Lyon, et un de mes oncles était venu pour me ramener. Ma sœur, en ouvrant sa fenêtre, l’aperçut passer dans la rue. Elle ne douta pas qu’il ne la découvrît bientôt, et, dès la nuit même nous nous embarquâmes sur le Rhône pour