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celui d’exceller à faire jouer de malheur ; il était obligé de s’éloigner de Paris, où il commençait à être connu.

» Ces deux personnes se convenaient trop pour que la sympathie n’agît point ; aussi résolurent-ils de rendre leur fortune commune. Ils formèrent le dessein d’aller à Lyon, et, dès le jour qu’ils sortirent de Paris, ils se dirent mariés ensemble. Cependant ma sœur avait appris que ma mère était morte ; elle pensa que, ses charmes commençant à passer, si elle pouvait m’avoir eu son pouvoir, le peu que j’avais de beauté augmenterait de beaucoup son revenu. Elle n’avait rien à espérer de la maison ; mon père et ma mère l’avaient exhérédée en mourant ; elle n’osait reparaître à Angoulême : elle ne laissa pas de s’y hasarder. Elle prit deux laquais et une femme de chambre, et, suivie de cet équipage, elle arriva avec son prétendu mari à Angoulême. Elle fit savoir à tous nos parens qu’elle avait été assez heureuse pour épouser un seigneur flamand, et qu’elle espérait qu’on voudrait bien ne la pas perdre dans l’esprit de son mari. La famille, trompée par des apparences si vraisemblables, lui fit mille politesses. Elle me rendit visite au couvent, et me fit présent