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cision du procès, les enfans quêtaient par les rues, avec une clochette, des fagots pour brûler le père Girard. Les jésuites ne paraissaient point impunément dans la ville, et la populace les maltraitait. Les molinistes n’ayant pas la force en main, étaient obligés de fléchir, bien résolus de se venger dès qu’ils le pourraient.

Le jour de l’arrêt étant arrivé, les juges entrèrent au palais à six heures du matin. Le père Girard et la Cadière furent confrontés ensemble pour la dernière fois. Quoiqu’on eût fermé l’enceinte du parlement, une présidente et une marquise du parti janséniste avaient trouvé le secret de se placer auprès de la porte de la première salle du palais. Lorsque le père Girard passa, elles ne purent s’empêcher de lui dire quelques injures. Le jésuite sut assez se contraindre pour leur faire une grande révérence avec un air riant.

Quelque temps après, la Cadière arriva ; elles s’efforcèrent de la raffermir ; elle n’en avait pas besoin ; elle était sûre de son fait, et le père Girard savait aussi à quoi s’en tenir. Un mois avant que l’arrêt fut prononcé, on savait comment il serait ; les deux partis avaient si bien pris leurs mesures, qu’ils étaient