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intrigues les plus cachées des molinistes et des jansénistes, m’a mis à même de pouvoir en porter un jugement équitable[1]. Pendant la durée de cette affaire, j’ai pu, toutefois et quand je l’ai voulu, voir les procédures les plus cachées : j’ai parlé moi-même à la plupart des principaux témoins, et rien n’a pu échapper à ma curiosité.

La Cadiere, née à Toulon, était fille d’un marchand d’huile de la même ville ; elle avait de beaux yeux, la peau blanche, un air de vierge, la taille assez bien faite : beaucoup d’esprit couvrait chez elle une ambition démesurée et une extrême envie de passer pour sainte sous un air de simplicité et de candeur : elle était âgée de dix-huit ou vingt ans lors de son procès.

Le père Girard, natif de Dole, était excessivement laid ; il paraissait n’être occupé que du royaume des cieux. Sa vie se passait à faire

  1. Comme la belle Cadière avait été sanctifiée par et à la manière d’un jésuite, nommé Girard, il se faisait que les jésuites accusaient la fille d’imposture, afin de sauver le moine ; mais les jansénistes, grand ennemis des jésuites leurs persécuteurs, soutenaient la vérité des fairs allégués par la Cadière, et demandaient que Girard fût à son tour empalé tout vif.