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Cependant le père trouvant que l’ordinaire n’allait plus comme au commencement, jugea qu’il fallait que les finances de l’amant de sa fille baissassent ; il crut qu’il était à propos de lui donner un coadjuteur. Il choisit un négociant marseillais ; celui-ci, ayant été associé au bénéfice par le père, se sentit assez fort pour le desservir lui seul, et il proposa l’exclusion de l’ancien amant ; elle lui fut accordée en remboursant comme de droit le profit qu’il apportait.

La fille cependant aimait beaucoup plus le Lyonnais que le Marseillais : elle tint bon quelque temps ; mais le père interposant son autorité, il fallut céder.

Peautrier, fâché de ne pouvoir voir sa maîtresse chez elle, voulut lui parler à la comédie. Le père s’en étant aperçu, eut l’insolence de la maltraiter sur le théâtre ; chacun accourut, et je fus un des premiers. Elle nous dit naturellement de quoi il s’agissait ; son amant s’y trouvait présent, et il lui offrait un asile, parce qu’elle ne voulait plus retourner dans sa famille. Le père prétendait qu’elle y vint. Elle n’ira pas, lui dis-je. Comment, monsieur, me répondit-il ? ne suis-je pas le maître