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me dit-il. Et pourquoi, parce que tu ne comprends pas comment en paradis il peut se trouver des femmes toujours vierges, assures-tu que cela ne peut pas être ? Ce discours dans un homme de cette espèce me frappa ; je le redis à mon frère, qui me répondit que je ne le surprenais point ; qu’il était étonné tous les jours des choses qu’il lui entendait dire, et que la simple nature lui fournissait.

Pendant que j’étais à Marseille on me proposa de me marier avec une demoiselle de condition, qu’on disait avoir cent mille écus de biens ; elle était bossue devant et derrière, et n’avait pas trois pieds et demi de hauteur. Cent mille écus cependant me firent ouvrir les yeux ; je commençais à devoir considérablement. De la façon que je vivais depuis deux ans, il était difficile que je ne m’endettasse pas : la pension de mon père ne me conduirait pas les trois premiers mois de l’année. J’écrivis à mes parens pour savoir ce qu’ils en pensaient ; je craignais que ma mère ne s’opposât à mon établissement ; mais elle y donna son consentement. Je commençai donc à prendre des mesures pour que cette affaire réussît ; elle prit d’abord un assez bon train.

Malheureusement ou souffla aux oreilles de