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qu’il m’était presque impossible de leur résister. Comme je ne pouvais pas me charger de deux femmes à la fois, ils firent entendre à la Belou, c’était la danseuse, que son intérêt était de faire en sorte que la Motille ne m’écoutât point, parce que, dès que je serais bien avec elle, je romprais toutes les parties ; qu’au contraire, si la Motille s’attachait à Castelane, mon rival, elle serait toujours en société avec elle. Bardelin qui tenait ce discours à la Belou, était son amant et l’ami de Castelane[1]. Le coup était assez difficile à parer, mais je m’en garantis plaisamment.

J’avais remarqué que la Belon n’aimait point Bardelin ; elle était folle au contraire d’un acteur qu’elle avait fait semblant de lui sacrifier ; je savais à n’en pas douter qu’elle couchait toutes les nuits avec lui ; je pensai qu’en donnant ce que Bardelin pouvait fournir à sa dépense, je pourrais prendre la Motille pour moi et la Belou pour l’acteur. Je lui en parlai ; ce pauvre diable qui aimait véritablement cette fille, me remercia de tout son

  1. Ce Castelane de l’illustre famille de ce nom, était comte, frère da marquis de Castelane, et lieutenant-colonel au régiment de Penthièvre, infanterie ; il fut fait maréchal de camp en 1762.