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serait facile de nous marier dans ce pays-là ; sans que personne pût le soupçonner. La mère consentit à tout ce que je disais, et craignant que je ne vinsse à changer de résolution, elle partit trois semaines après.

Ma maîtresse était ravie de l’expédient que j’avais pris. Nous convînmes que, lorsqu’elle serait auprès de son père, elle le ferait agir pour rompre le mariage de Méry ; qu’ensuite elle dirait que je lui avais écrit que ma famille n’avait pas voulu me laisser partir, et qu’elle reviendrait en France, où nous amuserions toujours sa mère sous l’espérance de notre établissement. Le jour de son embarquement étant arrivé, je partis de Marseille, où je l’avais accompagnée, pour retourner à Aix.

Elle fut cinq mois à Livourne[1], et pendant ce temps-là il se passa d’étranges révo-

  1. Livourne est une des villes les plus agréables d’Italie, par le concours d’étrangers et la liberté qui y règne en temps de paix : son port franc et libre de toutes servitudes des douanes, est un des plus riches de la Méditerranée ; toutes les religions y sont protégées : il y a des églises de Grecs et d’Arméniens ; plus de 30,000 juifs avec une belle synagogue ; la vue est superbe à Livourne, les églises magnifiques, les cafés