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jours ! C’est pour me conserver à vous, ma dit-elle, que je veux me faire religieuse : n’ayant pu vivre pour vous, je ne veux être à personne. Ce qu’elle me disait là était assez délicat et aurait pu me mener bien loin ; mais depuis Sylvie je m’étais affermi à ne plus penser à des mariages inégaux, et j’ai persévéré dans cette résolution contre toutes les attaques qu’on m’a données. Je voudrais, lui dis je, être le maître de mon sort et de ma main, je vous tirerais bientôt d’embarras ; mais je dépends d’un père et d’une mère ; je n’ai du bien qu’autant qu’ils veulent m’en faire ; ce serait vous rendre malheureuse que de vous épouser, et ma tendresse n’aurait servi qu’à vous faire perdre un établissement considérable. Quoi, me dit-elle, vous me conseillez d’épouser ce monstre ! Non lui répondis-je, loin de vous le conseiller, je serais au désespoir que la chose arrivât. Que voulez-vous donc que je fasse, continua-t-elle ? je connais ma mère, c’est une furie qui va être attachée à mes pas. Le ciel, lui dis-je, m’inspire un expédient ; faites entendre à votre mère que vous espérez un établissement plus brillant ; je consens que, vous me nommiez, si elle vous presse de lui en dire davantage. Quelle apparence, me dit--