Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/25

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de roi présent, et que l’on pouvait, sans risque, penser et parler tout haut, se mirent à mesurer les princes et les gouvernemens, mais avec une liberté si franche et si sévère, que leur hôte trouva qu’ils allaient trop loin, et jugea qu’il devait les arrêter. C’est pourquoi il leur dit tout-à-coup : « Paix, paix, messieurs ! prenez garde, voilà le roi qui arrive ; il ne faut pas qu’il vous entende, car peut-être se croirait-il obligé d’être encore plus méchant que vous. »

Un jour que le baron de Pollnitz devait dîner chez Frédéric, qui dînait à l’heure précise de midi, et qu’ayant à parler de quelque affaire au marquis d’Argens, il vint pour le prendre vers onze heures[1], surpris de le trouver

  1. Le baron de Pollnitz était un homme d’esprit, autrefois prêtre, et qui passa une partie de sa vie à voyager. Comme il savait un grand nombre d’anecdotes, il était d’une conversation agréable ; aussi était-il admis dans les meilleures sociétés d’Allemagne. On a de lui un ouvrage d’un style assez correct et plein de faits curieux, intitulé, Lettres et Mémoires du baron de Pollnitz, contenant les observations qu’il a faites dans ses voyages, et le caractère des personnes qui composaient les principales Cours de l’Europe, en 5 vol. in-12 publié à Amsterdam en 1737.

    Le baron de Pollnitz, que Frédéric ii avait fait un de ses chambellans, était de toutes les parties d’amuse-