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mœurs qui parussent plus réglées, et moi, je me promettais à moi-même de ne pas continuer davantage un métier qui me rendait esclave de mille bienséances que je regardais comme ridicules.

Avant de venir à Aix, la Catalane avait eu un amant : je ne l’ignorais pas, je lui en avais parlé, et elle m’avait promis de me le sacrifier. Elle me tint parole, et je lui en sus d’autant plus de gré que le sacrifice était essentiel. Elle quittait un fermier-général pour un fils de famille. Les filles de l’opéra hésitent peu ordinairement entre les deux.

Mais ce n’étoit pas là le rival le plus dangereux. Dans le temps qu’elle avait cet homme sur son compte, elle aimait en secret un jeune homme nommé Gantaume : l’un payait, et l’autre avait le cœur. Réellement, si une infidélité peut s’excuser, celle-ci était dans le cas. Le fermier-général appelé Briches, était un des hommes de France le plus laid. Il affectoit de faire le bel-esprit, et ce faquin, ainsi que le sont d’ordinaire ses pareils, n’avoit de mérite personnel que celui d’être excessivement riche. L’autre, au contraire, était aimable et d’une jolie figure. Il vint à Aix pour voir sa maîtresse ; on lui dit