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mencé à cocufier Clairac, lorsque le traître, feignant de s’éveiller, se mit à crier comme un diable. Isabella, à ce bruit, s’éveilla ; surprise de se trouver entre les bras d’un autre homme que son époux, elle s’en arracha avec violence. Ma femme accourut à ce tapage, et, me trouvant en flagrant délit, me prit aux cheveux, et m’accabla de coups. Clairac, riant à pleine tête, disait : C’est fort bien fait ; il convient de punir sévèrement l’adultère ; j’aime les lois qui savent régler les désirs déréglés. Cependant, honteux et battu, je regagnais mon lit ; ce fut bien pis : mon épouse jalouse ne voulut plus partager sa couche avec moi, et il me fallut passer le reste de la nuit sur une chaise. Le lendemain matin j’obtins ma grâce, et la paix fut mise dans notre ménage.

Le chevalier de Cougoulin nous cherchait par-tout ; il ne savait ce que nous étions devenus. Il s’était informé vainement de nos nouvelles, lorsqu’étant parvenu au quartier d’Isabella, il apprit notre mariage. Nous fûmes fort étonnés de le voir ; il y avait cinq jours que nous goûtions les douceurs du sacrement. Il nous en félicita ; nous le conviâmes à passer avec nous les trois jours que les vaisseaux devaient encore demeurer à la rade. Il s’en