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Le vent étant devenu favorable, nous partîmes pour Tripoli ; un calme étant survenu, nous fûmes obligés de mouiller à la Lampedouse, petite île dépeuplée par le corsaire Barberousse. On y trouve une chapelle, dédiée à la Vierge, desservie par un hermite, qui a aussi le soin d’une petite mosquée, dans laquelle est le tombeau d’un chérif[1] ; il est le seul habitant de l’île. Les Turcs et les chrétiens qui vont faire là de l’eau lui laissent tout ce dont il a besoin.

De la Lampedouse nous allâmes tout droit à Tripoli ; c’est une ville pauvre et mal bâtie. Le gouvernement est le même que celui de Tunis et d’Alger. Nous descendîmes d’abord à terre ; l’ambassadeur seul ne sortit point du vaisseau ; il voulait auparavant qu’on lui pro-

  1. Ou Scherif ; ce mot est arabe, et veut dire qui excelle en noblesse et en gloire. C’est un titre que portent différens princes Arabes, comme le prince de la Mecque, le prince de Médine ; ils réunissent le pouvoir religieux et politique. Ils sont les successeurs des Califes, et comme tels descendans de Mahomet. Comme les Arabes sectateurs du Prophète, ont autrefois possédé l’Espagne et les mers de la Méditerranée, il n’est pas étonnant qu’un Scherif, c’est-à-dire prince ou noble de la famille de Mahomet, y ait été enterré.