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sortir, et ce misérable, en leur ouvrant la porte, enfonça un coup de couteau dans le bras de l’une. Cougoulin, qui s’en aperçut le premier, au cri qu’elle fit mit l’épée à la main, pour tomber sur lui. Je le retins et lui remontrai que, si nous faisions du bruit, quelqu’un pourrait nous entendre et qu’on arrêterait ces filles infailliblement sur le chemin. Comme il commençait à se dégriser, il se modéra assez facilement. Nous attendîmes le jour avec nos deux juives paisiblement, et dès qu’il parut, nous retournâmes chez le consul.

Il y avait apparcnce que nous ferions bientôt route pour Tripoli. Je voulus voir les ruines de Carthage ; nous allâmes les visiter Clairac et moi. Elles sont à trois lieues de Tunis sur le bord du rivage. La ville était bâtie sur une langue qui avance dans la mer et qui forme un cap qu’on appelle encore le cap Carthage. On y voit des morceaux d’aqueducs fort beaux et entiers, et un nombre considérable de citernes. Il y en a dix-sept d’une vaste étendue, qui sont jointes ensemble par une route commune à un reste d’un édifice public. C’est là ce qui subsiste de plus entier ; les autres arches sont tout-à-fait détruites et ne sont plus qu’un tas de pierres et de gravier.