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à tous quatre. Il fallait savoir qui serait possesseur de cette beauté. Le sort en décida : elle me tomba en partage. Les autres suivirent pareillement les décrets du destin. J’avais une turque, Clairac de même, Virville et Cougoulin les deux juives. Nous nous étions pourtant promis qu’avant de finir la partie, nous troquerions d’épouses.

Après de tendres discours, dont notre juif et l’esclave anglais étaient les interprètes, nous procédâmes à des actions plus sérieuses, et, comme on ne peut continuer perpétuellement un exercice aussi pénible, pour nous délasser de nos fatigues, nous nous remîmes à table. Nos femmes et sur-tout les turques buvaient du vin coup sur coup. Elles furent bientôt dans un état pareil à celui où nous étions depuis sept à huit heures. L’esclave anglais et le juif n’étaient pas d’un plus grand sang-froid que nous. Il était minuit et nous comptions rester à table jusqu’au jour, lorsque nous vîmes paraître un noir au milieu de nous.

Il avait trouvé la porte du salon ouverte et s’était avancé jusqu’auprès de la table, avant que nous eussions pu l’apercevoir.

Cet homme marmotta quelques mots turcs,