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le crédit de l’ambassadeur ne vous sauverait point. Ce misérable serait peut-être le premier à vous trahir, dans l’espérance d’être recompensé.

Ce qu’il nous disait était fort sensé ; mais il parlait à des gens ivres, et nous ne goûtions point ses raisons. Voyant qu’il ne pouvait nous persuader, vous êtes donc résolus, nous dit-il, d’attendre ces filles. Restez dans mon jardin. Je suis obligé de me trouver cette nuit chez le bey, pour y rester jusqu’à demain midi. Je vous laisserai un esclave anglais qui sait le français. Pourvu que vous ne sortiez point de mon jardin, il n’est point de more assez hardi pour oser se présenter à la porte. Lorsque je serai parti, votre juif peut y mener les femmes qui vous attendent. Mais ne sortez point du jardin, que vous ne les ayez renvoyées auparavant. Nous le remerciâmes de la complaisance qu’il avait pour nous, et, étant parti pour aller faire son service auprès du bey, nous restâmes les maîtres de sa maison. Nous envoyâmes l’esclave anglais avertir notre juif de venir nous trouver.

Il arriva peu de temps après avec quatre filles assez jolies. L’une d’entr’elles étoit une turque de seize à dix-sept ans. Elle nous plut