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Isabelle le voyait souvent ; la charge qu’il avait chez son père, l’obligeait de lui rendre mille services journaliers. Elle vint à l’aimer ; elle fit les premières avances. L’écuyer ravi de sa bonne fortune, joignit de son côté la reconnaissance à l’amour. Isabelle gagna un prêtre qui les maria. La femme-de-chambre qui était du complot, introduisit l’amant pendant la nuit dans la chambre de sa maîtresse : Le mariage s’y consomma. Leur bonheur dura près de six mois ; mais Isabelle s’étant aperçue qu’elle était enceinte, il fallut songer comment elle apprendrait son mariage à son père. Elle pensa d’abord à la sûreté de son amant, et elle l’envoya dans une province éloignée de la Catalogne ; ensuite s’étant mise dans un couvent de religieuses, elle écrivit à son père son mariage et sa grossesse. Le comte de Montemar demeura pétrifié en lisant la lettre de sa fille. Il jura de faire périr son écuyer, et envoya retirer Isabelle, par des soldats, du couvent où elle s’était retirée. L’église se scandalisa du violement de ses droits. L’affaire fut portée en cour ; il vint ordre au comte de Montemar de mettre sa fille en liberté d’aller rejoindre son mari, et de lui donner une pension alimentaire. Elle