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L’intendante qui avait d’abord pris Sylvie en amitié, eut la curiosité de me voir. J’étais si jeune qu’elle fut étonnée que j’eusse osé enlever une fille. Je tâchai pourtant par mes discours de m’acquérir son estime ; mais plus elle crut apercevoir en moi quelque génie, plus elle eut d’envie d’approfondir ce mystère. Lorsque je fus sorti pour me retirer dans le couvent où je couchais, elle tourna si bien Sylvie qu’elle lui fit avouer nos secrets.

Nous devions nous marier le lendemain ; nos affaires changèrent bientôt de face. Je fus surpris d’apprendre en m’éveillant que Sylvie était allée dans un couvent de religieuses dès la pointe du jour ; j’y courus. Elle m’avoua qu’elle avait eu la faiblesse d’avouer à l’intendante qu’elle était comédienne, et que cette dame lui avait dit qu’il ne convenait pas qu’elle se mêlât davantage de ses affaires ; qu’elle s’était retirée par son conseil, dans ce couvent, pour attendre que les trois jours fussent écoulés ; elle ajouta que ces religieuses l’avaient parfaitement bien reçue à la sollicitation de l’intendante, qui lui avait promis de la servir en tout ce qui dépendrait d’elle, pourvu que la chose ne parût point. J’allai voir mon chevalier de l’inqui-