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tabatière d’argent que je joignis à mes raisons, le persuadèrent entièrement. Il me donna lui même le passe-port dont j’avais besoin, et j’arrivai le lendemain à la Jonquière, première ville d’Espagne.

Le hasard me conduisit dans une hôtellerie, où il y avait deux provençaux, capitaines dans les troupes espagnoles, qui s’en allaient à Barcelone ; ils me reconnurent. J’eus beau vouloir leur dissimuler que j’étais le marquis d’Argens, ils m’avaient vu tous les deux en France, il fallut le leur avouer. Quoique Sylvie fût encore habillée en homme, ils connurent bien que c’était une fille. Je ne leur cachai rien de mon aventure, si ce n’est le nom et la condition de Sylvie ; je leur dis qu’elle était fille d’un président du parlement de Provence, que je l’avais enlevée du couvent, et que j’allais l’épouser à Barcelone. Ils m’offrirent tout ce qui dépendait d’eux dans ce pays, et nous eûmes d’abord lié une étroite amitié ensemble. Deux jours après nous arrivâmes.

Je voulus d’abord exécuter ce que j’avais promis à Sylvie. Je priai ces officiers de m’adresser à quelque prêtre qui me dit la conduite qu’il fallait tenir. Ils m’en firent