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» Le prince, lassé de la conduite de son père ; résolut un beau matin, en 1730, de s’enfuir, sans bien savoir encore s’il irait en Angleterre ou en France : l’économie paternelle ne le mettait pas à portée de voyager comme le fils d’un fermier-général ou d’un marchand anglais ; il emprunta quelques centaines de ducats. Deux jeunes gens fort aimables, Kat et Keil, devaient l’accompagner. Kat était le fils unique d’un brave officier-général, et Keil était gendre d’une baronne de Kniphausen, que Frédéric-Guillaume fit condamner à trente mille francs d’amende parce qu’elle fit un enfant, quoique veuve. Le jour et l’heure du départ étaient fixés : le père fut informé de tout ; on arrêta le prince et ses deux compagnons de voyage. Le roi crut d’abord que la princesse Guillemine, sa fille, qui épousa depuis le margrave de Bareith, était du complot ; et comme il était expéditif en fait de justice, il la jeta, à coups de pied, par une fenêtre qui s’ouvrait jusqu’au plancher. La reine-mère qui se trouva à cette expédition, dans le temps que Guillemine, sa fille, allait faire le saut, la retint à peine par ses jupes. Il resta à la princesse une contusion au-dessus du teton gauche, qu’elle a conservée toute sa vie.