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fallut en passer par où elle voulut. Les religieuses répondirent à mes raisons que si j’avais fait profession je serais fondée, au lieu qu’étant simple pensionnaire mon argent n’était qu’un dépôt qu’elles avaient, et dont elles ne répondaient point. Dans cet embarras j’écrivis à ma belle-mère, et elle m’envoya de l’argent pour l’aller joindre à Bordeaux.

« N’ayant plus d’autre ressource pour vivre que la comédie, il fallut que je rentrasse au théâtre. Nous vînmes peu après à Toulouse ; la troupe y resta cinq mois : j’étais entourée d’une foule d’adorateurs ; mais j’étais si jeune que leur langage m’était inconnu. Un conseiller au parlement conçut pour moi une forte passion ; il s’appelait de Cache. Il me le dit ; je l’écoutai sans attention : il s’aperçut sans doute combien mon cœur était encore peu capable de passion. Cette remarque ne le rebuta point, et il m’aima jusqu’au moment que nous partîmes de Toulouse pour venir à Aix. Il faut même que son amour ait continué ; car depuis que je suis ici, j’ai reçu une de ses lettres que je lui ai renvoyée sans réponse. Je dois lui rendre justice ; il est aimable, doux, poli ; et si mon cœur n’eût été réservé à d’autres sentimens, il aurait pu