Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était bien fait ; il avait étudié ; il fut reçu avec plaisir à Toulouse par la troupe qui y était. Ma mère accoucha de moi peu de temps après, et survécut peu à ma naissance. Mon père fut extrêmement affligé de la perte de son épouse. Pour dissiper sa tristesse, il prit un grand soin de mon éducation. Il me laissa à Toulouse, où je fus élevée jusqu’à dix ans. Lorsque j’eus atteint cet âge, il me fit venir auprès de lui. Je fus fort surprise de le voir marié ; cependant je m’accoutumai aisément avec ma belle-mère ; elle n’avait point d’enfans ; elle me regardait dès-lors, et m’a toujours regardée, comme sa fille. C’est cette même femme que j’appelle ma mère aujourd’hui.

» Environ deux ans après que j’eus joint mon père, la troupe dans laquelle il était, vint à Marseille. C’est là que, pour comble de maux, je le perdis pour toujours ; il eut quelque dispute avec un de ses camarades, et, ayant mis l’épée à la main, il reçut un coup dans la poitrine, dont il mourut deux jours après. J’étais perpétuellement au chevet de son lit ; j’arrosais ses mains de mes larmes. Mes pleurs ni mon désespoir ne purent le rappeler à la vie, Ma fille, me dit-il quelque temps