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qui n’avait pour tous biens qu’une maison, dont il occupait le quatrième étage ; et il vivait du louage du reste. Il s’appelait Canton. Il avait une fille, nommée Isabelle, qui était fort jolie ; elle plut à mon père, qui crut qu’elle ne résisterait pas à quelque présent. Mais il eut beau lui offrir, elle tint ferme ; et il résolut de l’épouser en secret. Il le lui proposa : elle l’aimait ; elle y consentit. La difficulté était de le faire approuver à Canton. La mort de cet officier arrivée dans ce temps-là laissa Isabelle maîtresse d’elle-même. Mon père l’épousa dans un village, auprès de Saint-Malo ; un prêtre, parent d’Isabelle, fit le mariage.

» Pendant trois ou quatre mois, ils furent fort heureux. Mais le mariage de ma mère n’avait pas échappé à la curiosité des Malouins. On l’écrivit à son beau-père, qui, au désespoir de la sottise de son fils, fit casser son mariage par le parlement de Rouen. Mon père ne voulut point abandonner son épouse ; il vécut quelque temps de l’argent qu’il pouvait avoir. Bientôt il fut obligé de vendre la maison de ma mère, le seul bien qu’il avait ; et, prévoyant qu’il se trouverait encore aux expédiens, il prit le parti de se faire comédien. Il