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ceau de jambon, et qu’il se mit à faire usage de l’un et de l’autre le disciple de Mahomet, troublé et confondu se désespérait. Mais que faire ? il fallait tout supporter, pour ne pas découvrir son crime et périr ; il fallut même, car le marquis l’exigea, menaçant de se montrer si on ne lui obéissait pas il fallut que le Turc bût du vin et mordit du jambon, et que de cette sorte il profanât lui-même et son culte et sa mosquée. Ce malheureux fut quelques instans comme pétrifié ; il lui semblait voir le glaive de son prophète suspendu sur sa tête. Peu à peu néanmoins, il se calma ; il se familiarisa même avec son crime, et lorsque tous les dévots furent sortis et qu’il se vit seul avec son chien de chrétien, on acheva le déjeuner de bonne grâce, en riant du danger que l’on avait connu ; et enfin on se quitta bons amis. »

Le marquis d’Argens expose avec franchise les aventures de son voyage et les motifs de son retour en France, dans ses Mémoires. Son père voulut le déterminer à prendre la carrière des lois, et entrer dans la magistrature ; le caractère fougueux du jeune homme ne se prêta pas à ses sages leçons ; il reprit le service militaire, et entra dans la cavalerie en