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quelque soupçon de ce qui s’étoit passé, il se fit raser la tete, & embrassa la vie monastique. »

Il y a deux griefs dans cette accusation, le premier c’est le changement de religion, le second c’est la dissimulation : examinons d’ abord le premier.

Il est certain, qu’on ne peut accuser de manquer à l’honneur celui qui prend une religion, qu’il croit meilleure que celle qu’il quitte. Tout homme qui suit les mouvemens de sa conscience ; qui adopte une opinion, parcequ’il en est persuadé, peut bien être accusé d’être dans l’erreur, mais son erreur n’a rien de contraire à la probité. Dans le changement de religion. celui-là seul est criminel qui quitte, dans des vues d’interêt ou d’ambition, celle qu’il croît, pour en professer une, à laquelle il n’ajoûte aucune foi. Un de nos plus grands Poëtes[1] a dit avec raison.

Mais renoncer aux Dieux que l’on croit dans son cœur,'
C’est le crime d’un lâche, et non pas une erreur.
C’est trahir à la fois, sous un marque hypocrite,
Et le Dieu qu’on préfere, et le Dieu que l’on quitte ;
C’est mentir au ciel même, à l’univers, à soi.

Ainsi l’on peut bien accuser Julien d’avoir choisi une croyance mauvaise, d’en avoir quitté une toute divine ; mais l’on ne sauroit conclure, que son choix fut un crime ; parceque toute erreur involontaire n’est

jamais
  1. Mr. de Voltaire dans la Tragedie d’Alzire