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Malheureusement, en dehors de cette association, se trouvaient des hommes dont les idées exagérées excitaient à dépasser le but qu’elle se proposait d’atteindre. Parmi eux, nous citerons Jean-Baptiste Déranger, esprit atrabilaire, avons-nous déjà dit, qui avait pris le surnom de « sauvage malfaisant » depuis la mission de D. Lavaysse ; il ne rêvait qu’expulsion des étrangers et disait que leurs navires devaient être tenus dans les rades ou ports, à distance, pour décharger leurs cargaisons et recevoir ensuite les denrées du pays, afin de ne leur laisser aucune autre communication à l’intérieur. À côté de lui et dans le même esprit, figurait Félix Darfour, nouveau débarqué depuis trois ans dont nous avons signalé déjà les excentricités[1]. Ces deux hommes passionnaient le débat que soulevait la question née de l’organisation à laquelle les commerçans nationaux voulaient parvenir, et les deux discours prononcés dans l’enceinte de la représentation nationale n’étaient propres qu’à agiter davantage l’esprit public.

On conçoit facilement que les commerçans étrangers, consignataires, se voyant menacés de la perte de leurs patentes et de leur position dans le pays où ils faisaient des affaires fructueuses, durent être émus par toutes les paroles prononcées contre eux, surtout celles qui avaient revêtu un caractère officiel et qui avaient porté la Chambre des communes à recommander les vues de ses orateurs au pouvoir exécutif. Ils adressèrent aussi leurs doléances à ce pouvoir

  1. Il ne faut pas méconnaître que la conduite de l’évêque de Macri contribua à toutes ces idées exagérées et exclusives ; que l’esprit du Nord, tenu constamment hostile aux Français par Christophe, porta son contingent dans cette circonstance. Alors parut en Haïti un mémoire des ci-devant colons de Saint-Domingue, présenté au roi et aux chambres de France, auquel Juste Chanlatte fît une réponse imprimée au Port-au-Prince, le 20 novembre 1821. Les colons provoquaient une expédition à main armée contre les Haïtiens : de là encore l’idée d’exclusion radicale.